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Nostalgie du pré-formel

Chez les Haïdas, peuple amérindien vivant principalement dans l’archipel de HaidaGwaii, au large de la côte nord-ouest de l’Amérique du Nord, sculpter un canot en bois est un véritable rite. Durant le temps de réalisation, les sculpteurs ne doivent pas ni se raser, ni se couper les cheveux. Ils ne doivent pas non plus avoir de relations sexuelles, sans quoi la barque, jalouse, vexée du manque d’attention, craquera et prendra l’eau. Un séjour de plusieurs mois dans des réserves haïdas m’a appris que, chez eux, la vie, l’art, et la spiritualité sont intimement liés. Ils entretiennent ainsi un autre rapport aux objets : en fabriquer est un acte sacré. La sculpture Nostalgie du pré-formel découle de cette vision des choses.

La taille du bois est physique et instinctive. La cire vient ensuite combler les ssures. Elle protège et imperméabilise le bois. Enfin, l’eau protège à son tour la cire en lui évitant de fondre.

Le titre Nostalgie du pré-formel renvoie à ces cosmogonies où l’eau est le premier élément à apparaître dans l’univers, avant que la matière s’organise et que la vie se manifeste. Symboliquement, l’eau nous parle d’immersion, de disparition, voire de destruction. Elle suggère aussi la possibilité d’une renaissance.

À sa manière, cette sculpture évoque ainsi la création et la régénération. Familière par sa forme, elle conserve, du fait de cette présence de l’eau, sa part indéfinissable de mystère.